Par Sarah Lobbe, le 6 Janvier 2021 (Temps de lecture : 6min)
Entrevue avec Jocelyn Delcasso, le jeune créateur Niçois qui rêve grand.
Quel est ton parcours ?
Je m’appelle Jocelyn Delcasso, j’ai 23 ans. Je viens de Nice, et aussi d’un petit village de Saune et Loire. J’ai de la famille en Bourgogne donc j’ai eu l’occasion de connaître à la fois la ville et la campagne. A 15 ans, j’ai commencé à étudier les arts appliqués, ensuite j’ai eu mon BAC et enfin je suis parti à Paris pour intégrer l’école Duperré pour suivre un cursus de design de mode pendant trois ans. Par la suite, j’ai effectué un stage chez Marie ? en tant que designer imprimé, et un autre chez Louis Vuitton où j’étais au prêt-à-porter femme en tant que styliste maille. J’ai aussi travaillé dans l’usine de tricotage de la maison Chanel et Hermès pour me rapprocher du produit maille.
Pourquoi as-tu choisi de suivre ce parcours, tu as de la famille dans ce domaine ?
Non, ma famille n’est pas du tout dans ce domaine. A l’origine, je voulais être architecte d’intérieur, puis c’est venu de fil en aiguille. Cela s’est fait naturellement. J’avais envie de faire des études d’art, et je me suis rendu compte ce que c’était réellement l’art appliqué - ce que je ne connaissais pas -, et finalement c’est vraiment passionnant. J’ai choisi la mode en terminale et c’est à l’école Duperré que tout est venu. J’ai fait là-bas un BTS design de mode ainsi qu’une licence, donc j’y suis resté trois ans. Pour dire vrai, quand je suis arrivé à l’école, je ne savais même ce qu’était un tissu. J’y ai tout appris, j’ai baigné dans une école avec des gens talentueux, et ce fut une période très riche pour moi, avec mes premières expériences dans les maisons notamment. C’était extraordinaire d’être immergé dans la création et le travail pur et dur.
Focus détail, Sac Delcasso, 2020
Comment est abordé la question de l'entrepreunariat à l'école?
En école, il faut se spécialiser en fonction des départements qu’il y a dans les maisons. En somme, on ne te forme qu’à intégrer les maisons. Entreprendre, on n’avait jamais vu ça. J’en avais peut-être entendu parler dans quelques cours de marketing, mais c’est tout.
Alors comment t’es venu l’idée de créer ta propre marque ?
C’est grâce à ces expériences et savoir-faire que j’ai acquérit. J’ai voulu m’en servir dans une histoire plus personnelle. Aujourd’hui, le développement de ma marque évolue encore. Quand je me suis lancé, l’idée c'était de rester dans le Sud, et de créer ma propre histoire autour de ce que j’avais appris. J’ai été vite accompagné, ce qui m’a conforté dans mon projet, et j’ai pu l’aborder de manière un peu plus sereine.
Tu parles d’avoir été accompagné, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Quand je me suis inscrit à la chambre des métiers, j’ai eu rendez-vous avec une personne là-bas, qui m’a orienté vers un incubateur niçois qui aide les jeunes à entreprendre en leur proposant une boutique, un accompagnement dans une école de commerce, etc. Cet incubateur m’a permis de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de l’entreprise, d’avoir un vrai réseau, une vraie dynamique.
Aurais-tu des conseils à donner à quelqu’un qui souhaiterait se lancer et créer sa propre entreprise ?
Être accompagné. Et être bien accompagné. Car tu comprends, en école de mode, on nous apprend à créer une collection en cachette, à la sortir à la toute fin lorsque tout est terminé. Sauf que, finalement, cela nous enferme un peu. C’est important de sortir, de se montrer, de parler de ce qu’on a envie de faire : c’est comme ça que j’ai rencontré mes couturières et les gens qui m’ont aidé dans le marketing. Si j’étais resté seul dans mon atelier, j’aurais eu du mal à décoller.
Delcasso, Lookbook 2020
L’idée serait donc de ne se fermer aucune porte ?
Dans tous les cas, le projet évolue constamment, qu’il s’agisse de l’aspect créatif, de la communication, de la commercialisation, etc. Et il y aura toujours une différence entre ce que l’on imagine et la réalité.
Parlons maintenant de l’aspect éthique et éco responsable de ta marque. Que peux-tu nous dire à ce sujet ? J’imagine qu’il s’agit d’une exigence qui te tient à cœur.
Cela a été très instinctif et naturel pour moi. J’étais chez une amie, j’ai vu tous ces rouleaux de toile de store, et j’ai trouvé ça génial. Pendant un mois, j’ai réfléchi, puis je l’ai rappelé et je lui ai demandé ce qu’elle comptait en faire. Elle m’a alors proposé de prendre ces rouleaux, et j’ai commencé à regarder ce que je pouvais faire avec. C’est ensuite en discutant avec le fabriquant d’une toile de store que je me suis rendu compte que c’était des chutes d’usine. Je me suis dis que, quand même, cette matière était vraiment adaptée à une gamme d’accessoires, car elle avait beaucoup de couleurs différentes. Cette toile est arrivée tout naturellement car je l’avais sous la main et il fallait que je commence à travailler. Ensuite sont venus les sacs en corde entièrement crochetés à la main. C’était pour montrer mon savoir-faire de manière XXL, et c’était aussi intéressant de rester dans cette appropriation de matières, de textiles, avec toujours ce petit côté marin.
Au début, on teste plein de choses, et ensuite on se concentre sur ses valeurs, ses principes. Aujourd’hui, l’aspect upcycling de la toile de store me plait énormément donc pourquoi pas un jour créer des sacs crochés de manière totalement upcycling, qui sait ?
A quoi ressemble ton instrument de travail, ta machine à coudre ?
Mes machines à coudre sont des manuelles des années 70 qui me permettent de créer tous mes tricots, toutes mes mailles. C’est un procédé riche et complexe qui permet de créer un vrai travail, complètement artisanal.
Cet aspect artisanal fait-il parti de tes valeurs, justement ?
C’est un travail qui s’apparente au slow fashion, à la sérigraphie artisanal. Il me permet de faire des vêtements uniques, créés de A à Z.
Si on prête attention à ta gamme, on remarque que chaque toile a un nom. Que signifient-ils ?
Comme il y avait énormément de couleurs, je devais me repérer. Et instinctivement, quand je regardais un sac, je pensais à une personne qui l’avait aimé, ou qui l’avait acheté. C’est comme ça qu’un sac m’a fait penser à mon meilleur ami, un autre à ma mère. Alors je leur ai donné leurs prénoms. Le sac de ma mère, c’est le Isabelle.
Toile à dos Ben, Delcasso, 2020
Qu’as-tu préféré dans la réalisation du projet de ta marque ?
Tout, de A à Z. Quand tu vois que le projet commence à prendre forme, que tu commences à avoir des boutiques, des parutions presse, on rentre dans une autre dimension. Ce qui est très enrichissant, c’est de voir que l’on a été au bout du cycle, au bout de quelque chose.
As-tu des idées pour l’avenir de ta marque ?
Je travaille en ce moment sur ma collection de vêtements, qui auront une vraie histoire avec les sacs. Je pars toujours de ces sacs, mais en ayant une autre inspiration. L’idée est de créer une typologie de vêtements qui iront ensuite dans des boutiques. Et j’aimerai aussi créer de nouvelles toiles de stores, notamment sérigraphiées.
Ces nouvelles créations seront-elles toujours de l’upcycling ?
J’ai plutôt opté pour une autre partie de la mode éthique cette fois-ci, qui est l’achat de tissus labellisés éco responsable. Ce sont des tissus agréables pour la peau et respectueux de l’environnement afin de développer toute une collection de ces matières. J’ai aussi une gamme de vêtements upcyclés, notamment des vestes, mais c une petite partie de la gamme. Il y a toujours des vêtements upcyclés, mais aujourd’hui je m’engage plutôt à faire des vêtements éco responsables.
Si j’ai bien compris, ton inspiration principale est ce fameux sac en toile et maille ?
En réalité, ça l’est devenu ! Ces toiles sont tellement colorées que le design est très présent donc développer une collection tout en restant dans la même marque c’était vraiment un défi. J’ai choisi de garder le côté rayé, l’inspiration relative au loisir, au voyage. Tout est possible, on peut vraiment faire évoluer les sacs de façon infinie.
C’est tout de même assez difficile de trouver son créneau dans la mode, de faire que les gens comprennent où tu veux en venir, c’est compliqué déjà de créer une marque de mode, je préfère rester dans l’accessoire et le vêtement.
As-tu rencontré quelques difficultés sur ton chemin ?
Le plus dur, c’est vraiment de commencer. Quand t’es tout seul, que tu dois te poser toutes les questions pour débuter, c’est des longs mois de réflexion où t’as pas l’impression d’avancer, alors qu’au final cette période est indispensable. Tu sors un peu la tête de l’eau quand tu commences à avoir des partenaires.
J’aimerais désormais que nous parlions de l’idée de style. Comment as-tu trouver le tien, et celui de ta marque ? D’où viennent tes inspirations ?
Pendant mes études, je n’étais pas forcément attaché à l’idée de créer du style. Chaque collection était l’occasion de développer du savoir-faire, je développais des collections en rapport avec ces technologies créatives. C’est après, au moment de la création de la marque, que le choix du style s’impose. Il y a quand même quelque chose de ces procédés textiles qui est resté, par exemple si je fais un pantalon en alpaga c’est parce que j’aime la technique, j’adore le retombé, le tricoté, c’est parce que cela va donner un style années 70, nordique, avec des couleurs du Sud… L’idée est d’abord de partir de la matière et de la technique, c’est comme cela que je crée. Mon style est plutôt sophistiqué tout en étant décontracté. Si on mêle les procédés, on obtient des vêtements réversibles, avec une partie lisse, une partie rayée, où tu peux voir les changements de couleurs, ou autre. Je sais ce qui est possible au niveau des contraintes, et j’ai aussi ce côté créatif, et j’adore mêler ces deux aspects. J’adore informer sur les techniques que j’utilise, sur leur rareté. Le style vient après.
Comment organises-tu ta collection ?
Je pars de la matière, je fais ma sélection de fils, je les teste sur ma machine. Je vais m’inspirer d’images, de catalogues des années 70, de vieux magazines Phildar, de vidéos de tricoteuses qui se trouvent au fin fond de la Russie et qui ont un savoir-faire exceptionnel. Je choisis les tissus, je dessine, et ensuite je crée le plan de collection avec un échantillon qui ira avec tel ou tel vêtement. Je fais ma colorisation sur Photoshop, j’essaie d’approcher au plus près de ce qui pourra ressembler au croquis, je fais mes patronages en lien avec mes couturières. Toute une histoire vient se greffer au fur et a mesure de mes échantillons et de mes croquis. Elle vient vraiment au cours de la collection, contrairement à certains créateurs. Et ce qui est génial, c’est qu’elle peut changer. En école de mode, j’ai détesté qu’on nous impose de trouver un thème et une couleur de collection au préalable, et qu’il faille toujours expliquer pourquoi ce qu’on choisit de faire est en rapport avec ce thème de collection. C’est génial de ne pas être formaté. Il n’y a pas de règle ! Il ne faut pas brider sa création. Et il faut se faire confiance.
Sur le blog de Reiner va bientôt être publié un article sur la saisonnalité dans la mode. Dans les fashion week, c’est la course au plus grand nombre de pièces. Qu’en penses-tu ?
Je trouve ça horrible de créer autant de collections. Même pour le styliste que j’étais dans ces maisons, c’était très intense. Un mois et demi par collection : tu es constamment dans le rush, c’est invivable, et très dur. Tu peux l’accepter, mais alors il faut laisser une partie de sa vie de côté. Tu vois des choses hallucinantes. Quand je travaillais dans les usines, je faisais des allers retours en avion pour livrer un pull ! Il y avait des livraisons de taxi qui faisaient France-Italie avec une pièce dans le coffre. Les clients n’ont pas besoin de tout ça. Je voudrai développer une collection pensée pour le client et son bien être, pour l’évolution de la mode, l’évolution de l’offre… Ce procédé dénivelle tout vers le bas, et c’est très dommage. De façon créative, tu as besoin de ce temps-là de réflexion, et ce ne sera que plus beau de créer des collections un peu loin dans le temps. L’idéal c’est une collection ou deux par an, avec un certain nombre de pièces en fonction des typologies (pull, cardigan, pantalon) et on va essayer de définir l’offre de la façon la plus lisible possible. Il faut un petit peu de terre à terre.
Si on parle de mode de manière plus générale, quels sont tes trois basiques mode indispensables ?
Je ne peux pas sortir sans un bon pull, une bonne maille, un bon t-shirt bien écolo qui fait du bien à la peau, et un pantalon taille haute, coupe droite. Ça c’est ma tenue idéale, ma tenue de travail.
Quels sont tes créateurs fétiches ?
Je suis plutôt classique, j’ai été en admiration devant les matières d’Hermès, et c’est vraiment resté mon modèle au niveau du savoir-faire, du temps passé sur les finitions, de la qualité de la matière.
Lookbook Delcasso, 2020
Et connaîtrais-tu de jeunes créateurs dont tu voudrais nous parler ?
Elle s’appelle Bleu tango, c’est une fille que j’ai rencontré à l’école. Son prénom c’est Lou, et elle développe depuis 7 ans sa marque, qui est installée aujourd’hui. Elle veut rester dans ce côté artisanal, en petite collection. J’aime beaucoup ce qu’elle fait, et elle communique bien sur sa marque et ses valeurs, est très transparente sur ses choix.
Si tu étais....
Une chanson ?
Femme libérée ! Le fait d’entreprendre donne l’impression d’être plus libre, de travailler autour de sa propre vision.
Une mauvaise habitude ?
La difficulté de se lever le matin, de repousser constamment le réveil.
Une ville ?
Je dirai Nice, mais en même temps j’ai vécu aussi en campagne, en Bourgone, donc oui j’adore le Sud, mais ce qui est bien c’est que je connais aussi Paris, Nice.. Je peux bouger aussi, ce n’est pas forcément que Nice. Mais c’est une ville où on se sent bien, il y a un côté très voyage, bien être… ce qui est hyper important. Quand j’étais à Londres, j’ai adoré cette ville ! Des parcs immenses, des petits barbecues pour 100 personnes, c’est fantastique.
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